On était en décembre 2004.
« Ca vous dit les gars d’aller marcher dans le désert cet hiver ? Mes parents l’ont fait dernière et ils ont adoré ! »
Mon pote et moi : « euh bah ouais, pourquoi pas, ça a l’air sympatoch ».
Maud, la petite amie de mon meilleur pote (aujourd’hui mariés et parents de deux grumeaux) nous proposait d’aller en Mauritanie.
J’avais 27 ans. J’allais faire mon premier vrai voyage.
Je ne voyageais pas, je ne savais pas comment on « voyageait ». Bien sûr, j’avais déjà pris l’avion deux ou trois fois. J’étais parti au Canada/USA quand j’étais au lycée, Rome et la Sicile vers 25 ans. Mais nulle part où la tête serait retournée.
Cette semaine de marche en Mauritanie allait être une vraie révélation, c’est un peu « là où tout à commencé » pour moi. Là-bas, j’ai commencé à écrire, et puis à dessiner. Le désert est une source d’inspiration sans fin. Tombé amoureux des déserts, je retournais chaque année en voir un nouveau. Avec un carnet.
Je me suis pris de passion pour la culture arabe et touareg, avec leur atmosphère et rythmes si singuliers. On revit avec le soleil, la lune et les étoiles, on savoure le rituel des thés, on s’extasie devant le seul puits à des kilomètres à la ronde, dans des espaces où la grande majorité de cailloux n’ont été vus.. par personne jusqu’alors.
Le désert rend euphorique. Je me souviens des histoires de touaregs racontées au bivouac le soir autour du feu, les légendes contées, avec comme spectatrices les étoiles. On écoute, on crie, on rit, on danse : on est seul, il n’y a personne pour nous reprendre, nous interdire quoi que ce soit.. On vit quelques jours au milieu d’un des plus vieux endroits du monde, en toute liberté, et on se retrouve.
J’aimais m’y retrouver, pour savourer ce silence qui vous inonde les tympans au moment de vous endormir, prendre ces piqûres de rappel nécessaires pour ne pas oublier combien nous sommes si petits et tellement peu de chose, s’émerveiller par la faune et la flore qui perdurent là-bas dans un milieu si hostile, prendre dans la main une poignée d’un sable qui a des millions d’années, rester bouche-bée devant des enfants marchant seuls en plein désert sac dans la main et gourde d’eau dans l’autre parcourant 15 km pour aller simplement à l’école… Là-bas, dans cet endroit où 15 km à pied est synonyme du 15 minutes à pied chez nous. Apprendre à relativiser, c’est si important, et on l’oublie si rapidement!
En 2004, je ne filmais pas encore. Mon premier film de désert arrivera trois ans plus tard, en Algérie. Mais je me souviens qu’en mars 2004, deux jours avant de partir en Mauritanie, j’avais acheté mon premier appareil photo numérique, un mini Canon de 4 millions de pixels. J’avais hâte de l’emporter dans ce désert, sauf que la veille, j’ai chargé la batterie, et que cette batterie restera en charge toute la semaine : je suis parti avec un appareil numérique sans batterie… Heureusement, j’avais un vieil argentique.
En 2004, nous avions marché 100 km de la vieille ville abandonnée de Ouadane vers Chinguetti, la 7ème ville sainte de l’Islam, qui abrite encore des bibliothèques renfermant des vieux manuscrits de plus de 800 ans.
En 2017, je filme.
Et ce samedi 16 décembre, je re-pars pour la Mauritanie, marcher dans le désert, non pas à l’est de Chinguetti, mais au sud-ouest de Chinguetti. Et comptez sur moi pour ne pas oublier les batteries… Ca aurait été aussi l’occasion de sortir le drone Mavic pour la vraie première fois, mais les drones sont interdits en Mauritanie… Tant pis.
Les tours-opérators n’y proposaient plus de trek depuis 2010 : ils ré-ouvrent enfin la destination ce samedi 16 décembre.
Hormis le drone, je pars avec le matériel complet (plus de nouveaux jouets..) pour renouer avec les vidéos de voyage, et prendre des plans qui serviront à un autre projet pour 2018.
Et un carnet.
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