Le mystère du scooter au bouquet – Acte I


 

Fin juin, je suis tombé par hasard dans une rue – Rue Rollin – sur un scooter sur lequel un bouquet de fleurs était posé. Bien sûr je l’ai pris en photo. Vous retrouverez l’image plus bas. Et quelques heures après, je suis repassé, et le bouquet n’était plus là. Alors, j’ai commencé à imaginer le pourquoi du comment. Et il doit y en avoir beaucoup, des « pourquoi du comment… ».

Alors voici un premier acte.

 

 

Acte I : l’amoureux distrait et le mal aimant chanceux

 

 

C’est la première fois.
Rudy est heureux, il ne sait pas mettre les mots, mais il nage en pleine légèreté de l’être.
Oui, il est amoureux. Il l’est vite devenu.
C’est la première fois.
Qu’il apporte un bouquet de fleurs à sa douce.
Sa nouvelle douce.
Rose, sa nouvelle douce.
Rudy, il est tête en l’air, mais c’est justement ce qui a plu à Rose.
Rudy, il n’a jamais été avare en fleurs aussi.
Rudy, il en offrait régulièrement, à ses anciennes amoureuses. Il n’est pas de ceux qui en offrent au début, et puis plus rien après.
Rudy, il ne fait pas cette erreur.

 

L’erreur.
Tony sait qu’il n’a plus le droit à l’erreur.
Lise a pourtant commencé à s’éloigner. De Tony.
Le manque d’attention.
Les soirées avec les amis. Sans elle.
Mais avec son cannabis, son complice.
Et puis Jean-Luc Reichman entre midi et deux.
Une lassitude.
Un désintérêt grandissant.
Il filait un mauvais coton le Tony.
Tony a déjà offert des fleurs à Lise. Au début. Et puis plus rien après.
Une fois.
Lise en avait été surprise. Ce n’était pas dans les habitudes de son Tony.
Tony, il ne lui avait plus dit qu’il la trouvait belle aussi. Simplement.
Depuis longtemps.
Depuis ce premier bouquet d’ailleurs.

 

Ailleurs, Rudy est heureux.
Le joli bouquet qu’il a trouvé, il est allé le chercher chez la fleuriste amie de sa maman.
A l’autre bout de Paris. Exprès.
Ouh oui, il est attentionné le Rudy.
Il est heureux car ses fleurs sentent bon les fleurs. Oui c’est con, mais c’est tellement rare.
Plus comme une majorité de fleuristes aujourd’hui, qui ne proposent que des fleurs aux odeurs devenues si ternes.
Et on lui a offert un large sourire en prime.
Il pense à sa Rose, et au sourire encore plus large qu’elle aura, quand elle verra le bouquet.
Ah ça oui, il jubile le Tony.
C’est un rêveur notre Tony.
C’est la fin de journée, elle offre sa plus belle lumière.
Quatre à quatre, Rudy monte les marches de la rue Monge et de la rue Rollin.

 

« Rollin dernier pétard steup » demande Tony à son ami.
Un dernier, avant d’aller voir sa Lise.
Une minute pour rouler, trois pour fumer. Top chrono.
Car en plus, notre Tony, il a perdu tout plaisir à ce rituel. Qui n’en est plus un. Une routine, un réflexe c’en est devenu.
Il avait réussi à séduire sa Lise car il était érudit.

 

Rudy est tellement pressé qu’il manque de tomber.
Il fait le foufou.
Son lacet est défait.
Il manquerait plus qu’il se blesse en tombant. Ce serait ballot.
Il pose avec délicatesse son bouquet sur le siège d’un scooter.
Mais attention, pas n’importe quel scooter : un scooter rutilant, beau, neuf.
Et il noue son lacet. Double nœud, pour ne pas avoir à y revenir.
Mais Rudy a ce gros défaut.

 

 

Défaut.
Ou plutôt défauts.
Tony sait qu’il les a multipliés ces derniers temps.
Tony, il n’est pas idiot, au fond.
Se mettant en route pour la rejoindre, Tony, il savait qu’il était en train de la perdre, sa Lise.

 

« Lise Robin. Non. C’est pas elle.
Ah, Rose Duchamps, oui, c’est elle ! »
Rudy sonne.
Rose répond.
Rudy monte.
Quatre à quatre dans l’escalier, encore plus vite que les marches de la rue Monge et de la rue Rollin.
Sourire aux lèvres.
Rudy n’a qu’une hâte, enlacer sa Rose.
« Rose. Rose….
Mais merde.. les fleurs, quel con !!! »
Rudy tombe nez à nez avec Rose, qui l’attendait.
Rudy est blême.
C’est l’bouquet, il a paumé son bouquet, Carole. Euh non, Rose.
Rudy, il se sent rudycule devant sa Rose étonnée.

 

Et tonnait soudainement un oubli dans la tête de Tony.
Aujourd’hui, était l’anniversaire de sa Lise.
« Merde. Quel con.
Je suis mort. Elle va me tuer ».
Sorti du métro, il monte avec désespoir les marches de la rue Monge et de la rue Rollin.
Tous les commerces sont maintenant fermés.
La loose. Totale.
Et puis, il passe devant un scooter rutilant. Beau. Neuf.
Tony, il aime la mécanique. Alors il s’approche.
Et remarque un bouquet sur le scooter.
« Woputain c’est ma chance ! »
Personne devant. Ni derrière. Ni à gauche, ni à droite.
Tony s’empare du bouquet délaissé.
Fier.

 

Fier.
Rudy l’aurait été s’il n’avait pas laissé son bouquet sur le scooter.
Putain de lacets.
Il s’en veut tellement.
Quelle tête en l’air!
Il court. Rue Rollin. On ne sait jamais.
Croise un jeune homme fier, avec un bouquet à la main.
Et quand il arrive devant le scooter, plus de bouquet.

 

 

Bouquet final.
Rose n’en voudra finalement pas à son Rudy.
Elle n’attendait pas de bouquet ce soir-là.
Elle voulait juste voir son Rudy. Lui, et sa maladresse, qu’elle aime tant.
Lise sera aux anges que son Tony ait pensé à lui offrir des fleurs. Pour la deuxième fois.
 
Tony truand.
 
 
 



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