Mystère mystique d’enfance

 

C’est un mystère qui sera resté très longtemps en moi.
Il y a des interrogations comme ça qui nous hanterons longtemps.
Et puis le temps passe. Et on n’y pense plus. On oublie.
Et pourtant, à chaque fois que je le revoyais, le mystère revenait.
Misère de mystère.
C’est tout un pan de mon enfance.

 

Petit, je fus enfant de chœur.
Dans ce village où je disais bonjour à tout va.
Oui oui. Enfant de chœur, la petite chose blanche qui apporte le vin au curé en pleine messe. Hips.
Et qui inonde d’encens les petites vieilles du premier rang. Oups.
On est d’accord, je n’ai pas fait ça par conviction, mais pour être avec les copains.
Pour faire des bêtises. Rhooo les coquins.
Et puis c’était très chouette comme expérience.
« Boum badaboum » : parfois on entendait ce bruit sourd au fond dans les stalles.
Et on se disait « Ah, ça c’est une p’tite vieille qu’est tombée, sa canne a rippé ».
Amen.
Bref.

 

Ce mystère, je disais donc.

Et durant une bonne heure, j’étais assis.
A ne rien faire.
Juste, étudier les vitraux en face de moi.
Et il y en avait un qui m’intriguait.
Ce n’était pas forcément le plus beau, mais je ne le comprenais pas.
Parfois, à la fin de la messe, j’allais le voir de plus près.
Pour essayer de mieux le comprendre.
Celui-ci.

 

J’ai jamais pu comprendre ce qu’étaient ces deux choses vertes sur le torse du démon.
Il est sur le dos, et sur son torse, ces deux choses vertes : ça ne peut pas être des ailes.
Que diable sont-ce ces choses?
J’en étais arrivé à me dire que c’étaient des éclairs.
Point.
Je commençais déjà à me dire qu’il ne fallait pas chercher à comprendre les artistes.
Ce serait donc ça, un artiste. Il créé des choses, que parfois, on ne peut comprendre.
Et ça fait son charme.

 

25 ans plus tard, me voici au Louvre. En nocturne.
En train d’errer dans les galeries.
Je ne connais pas grand chose à l’art, mais j’aime être entouré de statues.
(D’ailleurs j’ai pour idée de faire un court-métrage animé où les _________ prendraient vie. Mais c’est secret hein).
Et voir de jolies peintures. Que tout le monde regarde.
Avec le temps, on apprend que ce qui est regardé est important. Ou semble important, plutôt.
Ce qui nous touchera, sera moins regardé. Justement.
J’aime surtout le lieu, et encore plus en nocturne, quand il y a moins de monde.
C’est paisible, et l’Histoire et le Temps nous regardent. En silence.

 

Et ce soir-là, parmi les 35 000 oeuvres exposées au public, je vais tomber nez-à-nez avec une particulièrement.
« Saint-Michel terrassant le démon » de Raphael. Oui, le fameux Raffaello, peintre italien de la Renaissance.

Origine : photo pourrie de mon téléphone

Origine : photo pourrie de mon téléphone

Putain, Raffaelo est venu dans mon bled en 1500 et s’est inspiré du vitrail que j’ai regardé bêtement pendant 10 ans pour peindre son oeuvre!
Ben oui, l’église de mon village date du XIIè siècle.
Comment? Mais si mais si, les vitraux sont d’origine!
Je n’en démordrai pas : Raffaelo est venu dans mon bled. Point.
Il a dormi 3 jours à l’auberge de la Pomme de Pin, et allait boire son ricard au Chiquito.

 

Bon, admettons que les vitraux soient plus récents.
Et que l’artisan les ayant réalisés se soit inspiré de Raphael pour celui-ci.
Admettons.
Il n’empêche que cet artisan a complètement foiré son vitrail, ce con.
Il a inversé la tête, retournée à 180°.
C’était donc impossible de voir que ces deux choses vertes étaient bien en fait, les ailes du démon.
Comme on voit mieux ci-dessous:

origine Wikipedia

origine Wikipedia

Ce mystère, je l’ai gardé des années et des années.
Car l’artisan vitrailliste a foiré son vitrail…
Ca me rappelle d’ailleurs l’histoire de ce portrait…

 

On ne le répétera jamais assez.
Se culturer, en allant au musée, ça a du bon.



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